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Vers une vie sans civilisation
28 février 2016

L’aberration néolithique

 Qu’est-ce qui justifie la voie de progression empruntée par l’humanité moderne ? L’homme sauvage a-t-il naturellement évolué en homme civilisé d’innovation en innovation ? Non ! Une rupture s’est opérée. Auparavant, il y eut plusieurs vagues de conquêtes des terres par les hommes, d’abord celles d’Homo erectus ou d’autres hominidés qui furent capables d’atteindre l’Indonésie depuis l’Afrique et de laisser des traces en Eurasie pendant environ un million d’années. L’homme de Néandertal, notre ancêtre mineur, issu d’une nouvelle migration, se révéla excellent dans le nord pendant quelque chose comme 700 000 ans de l’ère glaciaire ; un peu plus robustes que nous, ces hommes comprenaient des chasseurs courageux s’attaquant à de grandes proies, ils connaissaient les plantes, possédaient un sens esthétique et étaient probablement en capacité de parler. Pendant plusieurs millénaires, ils côtoyèrent Homo sapiens, dernier arrivé sur le territoire, dont la culture avait une petite avance. On ne connaît guère la teneur des rapports entre les deux populations, mais il est vraisemblable que Sapiens ait mieux prospéré et que les Néandertaliens se soient noyés dans l’hybridation. Cette supériorité numérique d’Homo sapiens sur son aîné du nord laisse penser que le nouveau ne manquait pas de talent. Avec leurs techniques de chasse perfectionnées, leur sens de la communauté, leur domestication du chien, les ancêtres du paléolithique pouvaient probablement connaître de belles saisons ; après le changement climatique, il y a environ douze mille ans, la végétation devint plus nourrissante, les hivers furent moins rudes, et les tribus surent s’adapter au nouveau gibier. Je trouve cohérent d’imaginer des gars très virils, forts et compétiteurs, pouvant régler leurs comptes entre eux mais ayant la chasse comme activité masculine principale, et des nanas séduisantes et attentionnées leur rendant bien leurs efforts et s’occupant des enfants. J’adhère aux stéréotypes de genre, car ils ont une base hormonale, sont transmis par l’éducation depuis des millénaires, et sont remis en cause aujourd’hui parce que la très moderne société les rend dysfonctionnels. Au demeurant, l’éducation aussi est un processus d’adaptation naturel, allant de pair avec la génétique ; il faut laisser tomber Descartes et cesser de croire que la pensée de l’être humain est une création surnaturelle. La part culturelle des distinctions entre les sexes fut une stratégie efficace d’adaptation, et je trouve probable que les peuples du paléolithique aient prospéré ainsi. Mais pourquoi ces êtres sont-ils devenus des révolutionnaires et ont-ils tout complexifié ?

 Cette révolution a eu lieu au Proche-Orient, et probablement uniquement là. Quelques hommes y ont changé leur mode de vie et sont devenus des fermiers : au lieu d’être limités par les ressources du milieu, ils ont trouvé de nouvelles activités qui dépendent beaucoup moins de l’environnement et beaucoup plus de la quantité de travail fournie. Pendant que les chasseurs-cueilleurs se reposaient et passaient probablement du bon temps en convivialité en attendant le retour du gibier, les fermiers continuaient de bosser pour produire plus de nourriture et aménager le territoire, et cette culture a permis à leur population d’augmenter considérablement sans s’harmoniser avec les ressources naturelles. Il faut avoir conscience de la somme de travail que rencontrent ceux qui, aujourd’hui, décident de s’installer sur une parcelle de terre pour tenter l’autonomie, surtout en s’en tenant à des méthodes dites biologiques. Le nouveau peuple de sédentaires laborieux a conquis l’Europe et s’est aussi étendu en Afrique. Les fermiers se sont d’abord installés sans se mélanger avec les chasseurs-cueilleurs d’Europe. Les derniers anciens Européens ne se sont fondus que dans une population de sédentaires ayant déjà largement dépassé la leur ; avouons-le-nous, nous ne serions pas étonnés d’apprendre que ce sont les femmes qui ont fini par délaisser les chasseurs au profit des éleveurs et agriculteurs aux conditions matérielles plus sécurisantes ; que les femmes d’aujourd’hui me détrompent ! Quoi qu’il en soit, il est dans l’ordre du vivant que les innovations permettant la plus grande croissance du nombre d’individus prennent le dessus, cependant il est possible que la néolithisation ait eu lieu au détriment de la qualité de vie des êtres humains. Vivre de chasse, de pêche et de cueillette, selon les méthodes ancestrales, est moins épuisant, si l’on s’en tient à une population peu dense. De plus, le recul significatif de la chasse a vraisemblablement représenté un problème pour le sexe masculin qui s’est reconverti dans l’art de la guerre : auparavant, l’instinct plus agressif des hommes, tout comme leur plus grande force physique, était une qualité adaptative de la testostérone ayant permis à l’espèce d’engendrer des chasseurs redoutables capables de nourrir les tribus, et les conflits n’étaient de toute façon guère motivés entre des groupes nomades sans richesses matérielles qui se rencontraient peu souvent. Enfin, l’alimentation à base de céréales s’est avérée un poil moins bénéfique pour les agriculteurs.

 Ainsi, le mode de vie originel de l’homme a été supplanté, très récemment dans l’histoire de l’humanité, par les curieuses expérimentations d’une minorité. En dépit des optimisations mises en place par les sédentaires pour faire accoucher la terre de plus de matières vivantes, le nombre démesuré de ces primates de labeur soulève des questions. Le civilisé refuse pourtant de laisser les peuples se réguler et persiste à vouloir solutionner « la faim dans le monde », c’est-à-dire permettre vie et reproduction à des êtres que la terre ne veut pas porter. Une telle aberration, dérive mondialisante du sentiment communautaire des tribus originelles, s’oppose à l’intérêt qu’aurait Homo sapiens à se réadapter à son environnement. Il paraît irréaliste de vouloir préserver ces milliards de vies coûteuses tout en prônant une harmonie avec la nature. Faire mûrir en soi l’état d’esprit tribal des ancêtres, s’investir pour un groupe modeste de semblables et tenter de s’établir des repères nomades dans l’existence, constituent une forme d’engagement personnel pour que l’être humain reprenne une place plus aisée sur son sol. En travaillant pour la civilisation, tu contribues à entretenir une humanité qui sature la capacité d’accueil naturelle des continents et qui se condamne au labeur.

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