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Vers une vie sans civilisation
30 octobre 2015

Le poids de ta vie

 Quand je marche en ville avec mon sac complet sur le dos, je suis toujours ennuyé de donner l’impression d’être en peine avec mes affaires. Parfois on me demande même si ce n’est pas trop lourd. J’ai deux pensées pour me consoler : premièrement, ces personnes ont-elles déjà essayé de porter un vrai bon sac réglé sur leur dos ? et deuxièmement, il serait bien intéressant de voir le sac de ces personnes à ma place. Le mien a un volume de 45 litres, avec un supplément possible de 10 litres que j’utilise volontiers en hiver, ce qui est peu comparé aux 60 litres et plus qu’on peut rencontrer. Il n’empêche que, oui, si je suis affecté par cette impression qu’on peut avoir, c’est parce que je me trouve moi-même trop chargé. Je n’aime pas ressembler à un randonneur ou un voyageur vacancier. Je suis un vagabond. Quelque part, je regrette les périples que j’ai effectués avec mon ancien sac de cours ou un autre du même genre. Quand j’ai marché de Paris à Sancoins, en gros, à la boussole, du 9 au 17 janvier 2013, je n’avais pas de tente, pas de vrai manteau, et je portais une couette de récupération dans un bagage à main ; c’était quand même autre chose, je trouvais mes abris et je n’avais rien d’autre à faire que marcher, manger les quelques victuailles que je glanais et me blottir dans ma couette.

 J’aime ça parce que ça rend la vie légère, parce que j’ai le contrôle de la totalité de mes actes, que tout ce que je fais a du sens pour moi. En fait, plus ta vie est précaire, moins tu as de responsabilité. Les responsabilités de la civilisation, ce sont les pires : tu as entre les mains des enjeux étrangers dont tu te moques, sous forme de papiers administratifs et d’horaires à respecter, mais si tu ne les assumes pas on coupe tes ressources. Ensuite, il y a les responsabilités personnelles : tu assumes ta propre existence en t’occupant de tes affaires et des personnes qui vivent avec toi. Et enfin, le niveau le plus bas, c’est être seulement responsable de son corps au jour le jour. Moi, aujourd’hui, avec mes affaires à préserver, j’ai un degré de responsabilité supportable, notamment parce que je ne suis pas fort strict : en effet, je laisse quasi quotidiennement ma tente, des vêtemetns et mes affaires de couchage sans surveillance, car j’estime que je me cache suffisamment bien. Je cours le risque mesuré de perdre mon confort et je gagne un gros allègement de mon existence.

 Ce sac et son contenu me permettent d’aller m’installer où je veux dans de bonnes conditions, sans argent. La quasi totalité des êtres humains nés dans cette civilisation préfère avoir un logement et gagner de l’argent, cependant je trouve ça personnellement trop contraignant. À quoi sert d’avoir une grande aisance matérielle si on ne peut pas profiter de son lit à volonté, si on doit s’absenter pendant une grande partie des journées, si on ne peut pas se consacrer pleinement à ses vraies préoccupations, si on doit plaire aux gens, si on doit modérer ses consommations ?... Un existence si contrainte favorise-t-elle ton bien-être ? Toujours avoir un impératif devant soi, un délai à respecter, une échéance dans un coin de la tête, des comptes à rendre, un masque à garder propre, c’est un sacrifice qui me semble énorme. Nous ne sommes pas des machines, enfin ! Nous ne sommes pas faits pour exécuter un programme imposé, non, nous éprouvons des désirs, des sentiments, des émotions, qui sont là pour nous animer de l’intérieur, nous faire agir ! Comme tu dois te sentir faible et immature pour accepter qu’on régisse ta vie !

 Moi, j’ai un sac ; et toi, quelles contraintes pèsent sur tes épaules ?

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